La continuité de la protection et de la mise en valeur des qualités patrimoniales d’Arvida
Les citoyens d’Arvida assurent depuis maintenant près d’un siècle le rôle de gardiens de la mémoire et du patrimoine de la cité. La compagnie d’aluminium, avant et après la Deuxième Guerre mondiale, a mis en place des mesures novatrices de préservation des paysages d’Arvida, notamment en créant une commission d’urbanisme destinée à appuyer l’administration municipale. En parallèle, les habitants de la cité modèle, porteurs de sa fierté et de son identité, ont assumé une part majeure de sa conservation. En effet, en leur permettant dès les années 1920 de devenir propriétaires de leur maison, la compagnie a assujetti la tenure de celles-ci à un ensemble de servitudes patrimoniales, véritables règlements d’urbanisme avant la lettre, qui ont investi ces citoyens-propriétaires, souvent ouvriers ou employés des usines, d’un devoir de conservation du paysage qu’ils se sont approprié et auquel ils réservent une inéluctable affection. Arvida paraît ainsi, depuis sa naissance même, comme un projet patrimonial.
L’identité forte qu’avait voulu susciter la compagnie, qui n’a pas ménagé sa participation à la vie sociale et culturelle de la ville, ne s’est jamais démentie; elle a grandi de pair avec la réputation de la cité modèle, qu’on qualifiait dans les années 1920, en référence à son destin de grande métropole, de « Washington du Nord ». Celle qui s’est maintenue pendant trente ans au rang de première productrice d’aluminium de l’Occident et qui a envoyé de par le monde ses travailleurs et ses enfants, instruits dans des écoles acclamées sur la scène canadienne, n’a perdu la mémoire qu’un bref moment, quand la réorganisation municipale de 1975 l’a privée de son emprise territoriale et de son nom. Aujourd’hui, à l’heure où l’industrie devient un héritage, c’est dans le registre culturel qu’Arvida s’impose, du fait de son plan social et urbanistique exceptionnel, de son habitat unique dans l’histoire des villes de compagnie, de ses infrastructures industrielles qui ont marqué le cours du XXe siècle, mais aussi en raison de son intégrité et de son authenticité, œuvres de générations d’Arvidiens.
Pourquoi Arvida espère-t-elle se voir un jour inscrite parmi les sites du patrimoine de l’UNESCO? Pour assurer la transmission la plus large possible, fondée sur une reconnaissance établie localement, régionalement et nationalement, de sa contribution à l’histoire humaine, ainsi qu’au vivre-ensemble, aux territoires et à la mémoire qui forment l’humanité et révèlent de manière exceptionnelle le produit de la coexistence des humains et de la terre.
Le grand historien de l’urbanisme Pierre Lavedan qualifiait Arvida, en 1956, de « ville-usine » et de « ville de l’aluminium » dont il remarquait le « dessin le plus libre »; le planificateur allemand Werner Hegemann l’encensait déjà dans l’entre-deux-guerres; elle s’est, au fil des ans, imposée sur la scène planétaire des cités et des industries d’un XXe siècle dont nous contemplons aujourd’hui l’héritage. C’est à cet univers qui fut le sien qu’Arvida revendique maintenant son appartenance.