La synthèse de décennies de recherches et d’expérimentations pour créer l’habitat ouvrier idéal, source d’épanouissement et d’appartenance
Arvida tient ses dispositions exceptionnelles des aptitudes originales de ses fondateurs, piliers d’une entreprise elle-même peu commune : dès la fin du XIXe siècle, l’aluminière, du fait de ses ressources premières, est en effet une multinationale qui transporte ses quelques artisans aux quatre coins de la planète. Les Davis, Fickes et autres qui créent Arvida ont fréquenté les moindres recoins de la filière française de l’aluminium; ils ont inventé Moengo, au Suriname, Mackenzie, en Guyane, ont décrié les dortoirs et les logements de Massena, aux États-Unis, admiré les cités-modèles chocolatières de l’Angleterre et contemplé celles nées, en Norvège, de l’hydroélectricité. Dans sa ville éponyme, au Tennessee, Alcoa a, en 1919, été jusqu’à vendre des maisons à ses travailleurs afro-américains : « c’est ici que nous sommes tous égaux », a-t-on entendu dire. Pas étonnant que Wake, responsable de la construction d’Arvida, y propose des maisons inspirées par « le type courant de la province de Québec ». Il s’agit de produire un habitat désirable, propice à engendrer l’appartenance des travailleurs, dans un milieu de vie qui ne discrimine pas entre eux. Si ce n’est d’une vingtaine de maisons réservées aux travailleurs plus mobiles, aucune habitation d’Arvida n’affirme quelque statut social, comme aucune classe ou race n’est cantonnée dans un quartier. Dans la cité qui compte bientôt une trentaine de nationalités, c’est plutôt l’appartenance religieuse qui polarisera les populations d’allégeance plutôt catholique ou protestante. Ainsi le projet de provenance multinationale s’est-il, peu à peu, avéré de plus en plus canadien, de plus en plus québécois, et de plus en plus arvidien.